La vie, une sacré belle aventure

Publié le 10 Septembre 2014

La vie, une sacré belle aventure

On passe neuf mois dans un endroit fermé et chaud, on flotte tranquillement. Puis finalement, on nous fait sortir, on nous expulse sans préavis dans un monde froid, trop lumineux. On rencontre des gens qui viennent nous voir à la maternité : des vieux oncles qui sentent le vin, des tantes, la peau collante de crème antirides qui pincent les joues avec de grands rires de gorges, des enfants qui parlent trop fort. Enfin on sort de l'hôpital, on découvre une maison, peut-être un chien ou des frères et soeurs. On devient l'attraction favorite de la famille "oh regardez tous ! Il sourit !" La femme de qui on est sorti nous force à avaler de bouilli multicolore en nous encourageant à parler "dis maman bébé, MA-MAN !"

On grandit peu à peu, on apprend à marcher, on chute beaucoup mais on se relève toujours. Quand enfin on est debout, tout le monde s'exclame que c'est merveilleux, on veut faire plaisir à ceux qu'on appelle papa et maman. Viens le temps de l'école et des copains. On apprend à lire, à écrire, à compter et puis des tas de trucs qui nous serviront pas, on veut devenir pompier ou astronaute. Pour l'instant les filles c'est nulles. Elle passent leur temps à pleurnicher de toutes façons non ?

Le temps passe, les parents se disputent à la maison, on claque les portes, on s'enferme dans la chambre en râlant. On part chez les grands-parents pour l'été, à la campagne. On s'ennuie ferme, qu'est-ce que c'est barbant les vieux. Nous voilà arrivés au collège, puis le lycée. Les filles ont grandies elles aussi, elles ne sont plus aussi chiantes. On tombe amoureux souvent, on se sépares, on se retrouves. Première expérience sexuelle, quelle excitation, qu'est-ce qu'elle est belle ! "Oh c'est déjà fini ?" "C'était bien hein ?" L'école ça va plus tellement, y a mieux à faire. On comprend que le théorème de Pythagore, les équations et les figures de style ne vont pas tellement nous servir dans la vie. On veut faire un travail facile mais qui rapporte beaucoup.

Le temps passe encore et encore. Les parents hurlent à cause des mauvaises notes "travailles pour ton bac ! Tu vas finir par faire la manche dans le métro !" Le stress des examens. La joie ou la déception. On arrête de travailler et on finit par travailler pour l'administration d'une entreprise merdique avec un patron qui paye mal, on devient le mec de la compta'. Ce n'est pas vraiment ce qu'on avait rêver mais c'est la crise, que voulez-vous ? Faut bien travailler. Les potes ont disparus, on est tout seul. Puis on la rencontre à la machine à café, elle est plutôt mignonne "on va boire un verre après le boulot ?", puis elle vient à la maison et on baise toute la nuit dans la chambre. On croit l'aimer, elle est pas trop moche et puis, après tout c'est mieux que rien du tout. Après quelques mois, on s'installe avec elle dans un petit studio, c'est la belle vie, on fait l'amour sur le lit, sur le canapé, dans la douche. Une barre rose sur le bâtonnet, on avait oublié de se protéger, juste une fois. Fois fatale. "Ne t'inquiète pas mon coeur, on sera heureux tu vois voir !"

Vite on se marie, la mairie est minuscule et surchauffée, elle a le ventre arrondi, tout le monde pose ses mains dessus avec un satané sourire hypocrite avec l'air de dire "mais qu'est-ce qu'il foutent ces deux cons ?" Dehors il fait chaud, le mois de juillet est magnifique, des fleurs de toutes les couleur, des filles en minijupe. Les parents n'avaient pas dis de se protéger ? Et merde. Les années passent, les gosses arrivent les uns après les autres. Il faut maintenant acheté une maison, le studio est devenu trop petit. Evidemment, il faut faire un crédit, et nous voilà endetté pour 30 ans. Les enfants jouent dans le jardin, la femme devient agaçante, elle boude tout le temps. Mais bon, il faut bien s'en accommoder, c'est jusqu'à ce que la mort nous sépare n'est-ce pas ? Les parents grandissent et finissent par partir vivre leur vies loin de leurs parents qui ne s'aiment plus assez et de la maison devenue trop grande sans leurs cris joyeux. Plus de cache-cache dans le jardin, de limonade l'après-midi quand il faut chaud, de tables de multiplication à récité. Juste deux vieux qui cohabitent. Ils sont bien loin les rêves de pompier et d'astronaute. Comment ont-ils pu disparaitre ?

La pauvre femme meurt un soir d'été, son tricot à la main et on se rend compte que finalement on l'aimait bien, elle et ses caprices de bonne femme jamais satisfaite. La maison est silencieuse, il y règne juste une odeur de poussière, de tabac froid, le bruit du radiateur et du parquet en bois qui grince. Les petits enfants viennent de temps en temps. Il veulent devenir pompier ou astronaute.

Rédigé par Morgane Troisous

Publié dans #Textes

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L
Bien résumé !
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